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Béatrice Poppyred

C'est bien connu : les gens changent. Béatrice Braver n'avait pas échappé à cette règle.

 

Avant d'être immortelle, avant de passer son temps dans les marais, avant d'être une vieille sorcière méfiante, elle avait été une jeune fille insouciante et rêveuse. Elle ne se faisait aucun souci pour l'avenir et n'avait qu'un seul désir : quitter Oddwood, son village natal, pour aller vivre des aventures. Dans sa tête, elle se voyait en guerrière combattant des monstres et les terribles fées des forêts. Cela faisait le désespoir de son père, marchand de bougies, qui espérait voir sa fille reprendre le commerce familial. Sa mère, sorcière de son état, partait du principe que Béatrice finirait par abandonner cette lubie de partir à l'aventure. Elle apprit tout de même les rudiments de la magie à sa fille. Juste au cas où.

Bien que ce désir d'aventures n'inquiéta qu'un seul des deux parents, ils partageaient tout de même un certain nombre de peurs concernant leur fille unique. La Béatrice d'alors était bienveillante (quelque part, ça n'a jamais changé). Trop bienveillante. Leur fille aimait aider les autres sans jamais rien demander en retour. Certains n'hésitaient pas à profiter de sa bonté. Et comme Béatrice voulait absolument voir du bon en chacun, même en ceux qui ne le méritaient pas, elle donnait des dizaines et des dizaines de secondes chances à n'importe qui. Ses parents eurent beau la sermonner, la mettre en garde, rien n'y faisait. Non seulement leur fille ne se montrait pas très réfléchie, mais en plus, elle n'écoutait pas un mot de ce qu'ils disaient. « Un jour, elle va s'attirer de gros problèmes », prophétisait son pessimiste de père.

Et sans surprise, Béatrice s'attira effectivement de gros problèmes.

La première fois où cela arriva, elle avait neuf ans : à force de chercher une aventure pour s'occuper, elle avait mit son nez dans les affaires du Duc. Fort heureusement, la petite fille parvînt à se tirer de cette sordide histoire sans trop de dommage. Quoi qu'il se soit passé avec le Duc, elle ne l'a jamais raconté.

La deuxième fois que Béatrice s'attira de gros problèmes, elle avait quinze ans. Des bandits avaient envahit son village. Ils étaient resté pendant six mois. Et au bout de ces six mois, alors même qu'Oddwood était finalement libéré des bandits, Béatrice offensa une créature aussi ancienne et puissante que le Duc. Cet instant où elle laissa échapper des mots de trop fut un tournant décisif dans sa vie : le moment où la joyeuse et insouciante Béatrice Poppyred fut condamnée à progressivement devenir Béatrice Braver, la sorcière de Mourningwood.

 

Mais ceci est une histoire pour une autre fois. Car il est ici question de la Béatrice enfantine, dont la naïveté et l'optimisme frôlaient parfois la bêtise. Celle qui ne se méfiait pas assez et qui jamais, au grand jamais, n'aurait envisagé de passer le restant de ses jours dans un marais.

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