Béatrice Braver
Mourningwood est une région marécageuse sinistre, peuplée de dangereuses créatures telles que des morts-vivants. N'importe quel villageois vivant aux alentours peut le dire. Et encore. Selon eux, les morts-vivants n'étaient pas les pires. Ils pouvaient aussi dire que nulle âme vivante ne se risquait à vivre dans les marais. Nulle âme vivante, sauf Béatrice Braver.
Une drôle de dame, cette Béatrice. Ils la connaissaient depuis toujours et ne sauraient pas dire son âge exact. Elle avait l'air d'avoir dans la trentaine, avec ses tâches de rousseur, sa tignasse brune indomptable et ses grands yeux marrons, mais ils savaient tous qu'elle était bien plus vieille que ça. Dans le fond, ils ne savaient pas grand chose d'elle ou de son passé : elle n'en parlait jamais. Ou alors, elle ne mentionnait que de vagues anecdotes sur son enfance. D'un accord tacite, il avait été décidé qu'ils ne poseraient pas trop de questions et qu'en échange, elle les aidait.
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Les habitants de Mourningwood avait unanimement décidé que le meilleur mot pour décrire le caractère de Béatrice était "merdique".
Elle était revêche, bougonne et méfiante, mais pas méchante. Au contraire même. Les habitants s'accordaient tous à dire qu'elle était un exemple de bienveillance, de droiture et de loyauté. Lorsqu'ils avaient un souci avec les créatures des marais qu'ils ne savaient pas comment régler, c'était vers elle que les villageois se tournaient. D'autres fois, lorsqu'ils avaient besoin de potions ou de conseils pour traiter une maladie, c'était encore elle qu'on allait voir. Et patiemment, elle leur rendait service en échange de marchandises ou de nourriture. Enfin... Patiemment dans la mesure du possible. Disons qu'une fois poussée à bout, on n'était pas à l'abri d'une chaussure volante. Ou d'une malédiction particulièrement violente. Tout dépendait de la personne qui la poussait à bout.
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Avec ces sautes d'humeur, on aurait pu penser qu'elle se mettait souvent en colère. Ce n'était pas le cas. Elle ne haussait presque jamais le ton. Certes, il n'était pas rare de la sentir agacée, mais en colère? Ce n'était pas quelque chose de courant et les villageois préféraient que cela reste ainsi: on ne savait jamais à quoi s'attendre, avec les sorcières. Bien sûr, personne au village n'osaient utiliser ce mot. Ils savaient que c'était le bon terme pour la décrire, mais ils avaient aussi conscience que si un allumeur de bûcher passait par-là, leur bienfaitrice aurait des problèmes.
Et puisqu'il est question de magie, Béatrice en était très fière. Oh que oui. Il n'y avait pas de sorcière plus fière de son savoir magique et de ses pouvoirs qu'elle. On pouvait même dire que sa fierté frôlait l'orgueil d'une irritable et irritante Miss Je Sais Tout. Toujours prête à faire la morale, cela la poussait parfois à prendre de haut les non initiés ou les jeunes sorcières. Cette même fierté l'obligeait aussi à toujours aller au bout de ses actions : Béatrice aimait à penser que son statut de sorcière lui donnait un certain nombre de responsabilités. Quoiqu'il arrive, si la sorcière juge quelque chose nécessaire, elle fera ce qui doit être fait.