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Le Duc

Au cours de sa longue vie, Béatrice Braver a rencontré bien des gens. Certains moins fréquentables que d'autres. Mais on ne peut pas toujours tomber sur de bons samaritains, n'est-ce-pas ?

 

L'une des plus sinistres rencontres que fit la sorcière fut le Duc.

La plupart du temps, le Duc se présentait sous l'apparence d'un homme grand et maigre entre deux âges. Il n'était pas particulièrement beau. Trop grand, trop maigre... Ça oui. Mais jamais il ne pourrait être considéré comme beau. Il avait un nez trop long et des traits trop angulaires pour ça. La seule chose véritablement remarquable chez lui étaient ses yeux trop verts et perçants pour être humains.

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Pourtant, le Duc attirait les gens comme des mouches. A défaut d'avoir la beauté, il compensait avec un charme indéniable. Ses manières et sa tenue toujours impeccable suggéraient qu'il était noble (son titre ne faisait que confirmer la chose).

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Sous le nom d'Archibald Fox, il voyageait beaucoup, ne restant jamais très longtemps au même endroit: il expliquait à qui voulait l'entendre qu'il se voyait comme un gourmet, que son seul but dans la vie était de goûter aux meilleurs plats qui existent et que pour cela, il fallait bien voyager.

 

Papillon social, il souriait à tout le monde et il n'avait aucun problème pour engager la conversation avec de parfaits inconnus. Très patient, le Duc écoutait toujours tout ce qu'avait à dire son interlocuteur. 

Un individu plaisant, tout à fait charmant. Bien sous tout rapport. Mais vous savez ce qu'on dit, n'est-ce-pas ? Les apparences sont trompeusesEn vérité, il ne ressemblait en rien à un humain. L'apparence que tous voyaient n'était qu'une façade pour cacher sa véritable nature. De jolies illusions, imaginées se fondre plus facilement dans la masse humaine.

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Une maigreur famélique, des bras et des jambes d'une longueur disproportionnées par rapport au reste du corps, des griffes à la places des ongles, des dents aiguisées parfaites pour déchiqueter la chair, des mouvements désarticulés comme s'il n'avait pas d'os ou de muscle... Le sac de peau que le Duc appelait "corps" n'était qu'une enveloppe creuse, créée par et pour une créature qui n'avait pas la moindre idée du fonctionnement d'un corps humain.

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Béatrice aimait à penser qu'il avait raté une vocation d'acteur : personne ne savait mieux jouer le bon samaritain un peu idiot que lui. Il était si bon dans l'art de jouer un rôle, que si Béatrice ne l'avait pas su si hypocrite, méprisant et manipulateur, elle aurait probablement crut à son histoire d'aristocrate voyageur.

Bizarrement, à chaque nouveau village où il se rendait, des voyageurs et parfois des enfants disparaissaient quelques semaines après son arrivée. Elles cessaient presque aussitôt après son départ.

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Le Duc ne s'en souciait pas.

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Il n'avait rien à se reprocher.

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Il ne cherchait que quelque chose à manger.

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